Gaz de schiste

Note de Roger Hary - 17 septembre 2012 

Le gaz de schiste

Ces derniers jours dans les médias, on a lu et entendu n'importe quoi sur ce sujet. Pour les écologistes, c'est le diable et pour les producteurs d'hydrocarbures, c'est l'eldorado.

La vérité se situe probablement entre les deux et, pour en avoir le coeur net, j'ai essayé de faire une synthèse de ce que j'ai pu lire ces derniers jours dans des études apparemment objectives.

Le gaz de schiste, c'est quoi ?

Les hydrocarbures (pétrole, gaz naturel, …) proviennent de la dégradation de matières organiques contenues dans des roches sédimentaires (marnes et argiles) que l'on appelle aussi roches mères.

Roche mère perméable

Lorsque la roche mère est perméable, ces hydrocarbures, plus légers que leur environnement (eau) ont tendance à remonter au travers de zones perméables ou le long de zones imperméables inclinées et de failles :

- jusqu'à la surface (fontaines de méthane, suintement de pétrole),

- jusqu'à une couche imperméable piégeante.

Dans ce deuxième cas, il se forme des poches qui peuvent contenir du gaz naturel (méthane) et/ou du pétrole dans des proportions très variables. Lorsque ces poches sont de taille importante, elles sont des gisements qui peuvent être exploités par des forages verticaux conventionnels.

Schéma de gisements de gaz et de pétrole dits "conventionnels"

Roche mère imperméable

Lorsque la roche mère est imperméable, les hydrocarbures sont piégés et un mètre cube de roche peut contenir jusqu'à 20 m3 de gaz (aux conditions de surface).

Le méthane y est souvent concentré dans des (micro)cavités ne communiquant pas entre elles ou éventuellement adsorbé par des particules argileuses qui contribuent à l'imperméabilité de la roche.

En fonction de ce qui précède, le terme de gaz de schiste est plutôt impropre car ces roches sont en général des argiles ou des marnes sédimentaires.

Comment l'extraire ?

Pour exploiter ce gaz, il "suffit" de rendre la roche perméable en y provocant des fissures (la fracturation). Une première solution a consisté à utiliser des explosifs (les soviétiques ont même envisagé une fracturation à coup d'explosions nucléaires souterraines). Aujourd'hui, c'est la fracturation hydraulique couplée à des forages horizontaux qui est envisagée.

L'exploitation par fracturation hydraulique consiste en plusieurs étapes :

- forage d'un puits vertical jusque dans la roche mère,

- creusement de galeries horizontales dans la roche mère,

- envoi d'eau (*) sous pression pour créer des fractures et libérer le gaz,

- pompage et recyclage de l'eau,

- exploitation du gaz.

(*) On ajoute des additifs dans l'eau afin d'améliorer l'efficacité de la fracturation :

- du sable qui va s'insinuer dans les micro-fractures et empêcher qu'elles se referment ;

- des biocides destinés à réduire la prolifération bactérienne dans le fluide,

- des lubrifiants pour favoriser la pénétration du sable dans les micro-fractures,

- des détergents pour augmenter la productivité des puits.

A gauche, forage par fracturation hydraulique

Où se trouve le gaz de schiste ?

Les réserves mondiales de gaz naturel sont estimées à 200 000 milliards de m3 (env. 60 années de consommation). Elles sont détenues à 60% par quatre pays : Russie (monopole de Gazprom), Iran, Qatar et Arabie Saoudite, ce qui n'est pas sans créer de gros problèmes sur un plan géopolitique.

Les réserves mondiales de gaz de schiste, estimées à plus de 600 000 milliards de m3, sont beaucoup mieux réparties.

La plupart de ces chiffres correspond à des estimations basées sur la connaissance géologique des sols. De nombreux pays ont déjà procédé à des forages destinés à préciser la position, la qualité et la quantité de ces réserves, avec des surprises positives (Algérie) ou négatives (Pologne).

En Europe de l'ouest, la France semble être bien lotie avec des réserves estimées à 5 000 milliards de m3 soit environ 100 années de consommation.

Avantages du gaz de schiste

La généralisation de la production de gaz "non conventionnel" présenterait de nombreux avantages visibles dans les pays qui ont démarré l'extraction depuis plusieurs années comme les Etats-Unis.

- diminution des importations et de la dépendance énergétique pour de nombreux pays gros importateurs de gaz, dont la France qui achète actuellement plus de 95% de son gaz au prix fort (37% en Norvège, 17% aux Pays-Bas, 16% en Russie, 15% en Algérie, …).

- la combustion du gaz (55 g de CO2) est moins polluante celle du pétrole (70 g de CO2) et du charbon (110 g de CO2).

- stabilisation des cours du pétrole et du gaz,

- création d'emplois dans les pays producteurs (estimée à 600 000 aux USA),

- relocalisation d'industries fortes consommatrices,

- développement de la filière GPL,

- production plus proche de la consommation, donc moins de transport

Problèmes

L'expérience des Etats-Unis a montré que l'exploitation du gaz de schiste avait rencontré beaucoup de problèmes techniques et environnementaux :

- mode d'extraction complexe et mal maitrisé,

- nuisances du chantier (camions citernes pour l'eau),

- surface du site de production,

- extraction dangereuse près des zones habitées,

- consommation d'eau,

- fuites de gaz en surface,

- toxicité des additifs chimiques utilisés,

- pollution des nappes phréatiques (c'est probablement vrai lors des débuts un peu chaotiques de l'extraction aux USA à cause de fuites dans les puits verticaux),

- risque de mini-séismes ?

Perspectives

Comme dans toute activité nouvelle, des progrès importants (ou de nouvelles méthodes) sont attendus dans les années à venir.

Progrès technologiques de la fracturation hydraulique :

- meilleur contrôle de la quantité et de la pression de l'eau,

- amélioration du transport et du recyclage de l'eau

- utilisation d'additifs chimiques moins toxiques ou d'additifs naturels,

Progrès des procédures de forage :

- étude préalable du sous-sol et de l'environnement,

- étanchéité des puits verticaux,

- diminution des fuites en surface, …

Conclusion

On peut donc considérer que le gaz de schiste est une source d'énergie pleine d'avenir pour trois raisons principales :

- même caractéristiques que le gaz naturel "conventionnel", donc utilisable sans modification des équipements,

- réserves très importantes, estimées à près de 200 années de consommation,

- répartition géopolitiquement plus "équitable" des réserves.

Les Etats-Unis produisent du gaz de schiste depuis une dizaine d'années, de très nombreux pays ont commencé à explorer leur sous-sol afin d'être prêts lorsque la technologie sera jugée satisfaisante.

Quant à la France, la récente prise de position idéologique du gouvernement risque de nous mettre très en retard et de pénaliser notre productivité, le jour où nos voisins bénéficieront des avantages de ce gaz de schiste.